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Interview chasseur de tornades : l'organisation de l'aventure à Tornado Alley
Vivre un rêve d’enfance avec deux amis animés par la même passion, sillonner les grands espaces américains à
Vivre un rêve d’enfance avec deux amis animés par la même passion, sillonner les grands espaces américains à la recherche des plus beaux orages, et finalement, avoir l’opportunité de croiser sur sa route une tornade F5, l’un des phénomènes naturels les plus violents et plus somptueux que la nature a pu créer… Une aventure inoubliable imaginée par beaucoup, mais réalisée par peu.
« Rendez-Vous In Tornado Alley » est l’histoire de Christophe Asselin, Vincent Deligny et Tony Le Bastard, jeunes français habitués à traquer les orages sur les sols français, racontée et superbement mise en images dans la série événement diffusée à partir de dimanche 19h30 sur La Chaîne Météo.
« Il s’agit une véritable histoire dans laquelle le spectateur nous accompagne. On essaie de l'installer en tant que quatrième passager de la voiture et de partager avec lui nos stratégies de chasse, nos questionnements, nos doutes, nos joies et nos moments un peu plus difficiles. Le tout avec notre regard de français peu habitués à certaines situations extrêmes. L'avantage de l'orage c'est qu'au-delà de la tornade, il offre un panel de phénomènes tous plus intéressants les uns que les autres » aime à le rappeler le réalisateur Christophe Asselin.
De la peur…à la fascination
Rencontre avec l’auteur de la première série-documentaire de chasseurs de tornades français aux Etats-Unis : « Ma passion pour les orages a germé progressivement dans mon enfance. J'avais tout d'abord l'habitude de me planquer derrière le canapé familial, effrayé que j'étais par la foudre et le tonnerre. Mais contrairement à beaucoup de gens chez qui cette crainte est restée ancrée, j'ai pour ma part transformé la peur en fascination. Soudainement captivé par la beauté du phénomène, je passais des heures collé aux vitres de l'appartement familial pour observer à l'extérieur la nature se déchaîner. Un intérêt qui n'a cessé de croître au fil de l'adolescence, jusqu'à ce que je commence à filmer avec mon premier caméscope le moindre orage qui se manifestait au-dessus de moi. Ce n'est pourtant que quelques années plus tard que tout est devenu très concret alors que je découvrais sur Internet qu'il existait des communautés de passionnés de météo et d'orages. Cette période a coïncidé exactement avec l'obtention de mon permis de conduire et c'est là que le déclic a eu lieu : pourquoi ne pas aller aux orages plutôt que de les attendre ? C'était décidé, j'allais commencer à chasser les orages ! Nous étions en 2004 et j'avais comme seul équipement un appareil photo numérique compact emprunté à mon oncle. Les saisons passant, j'ai rapidement acquis et optimisé mon propre matériel pour capturer toujours plus de phénomènes orageux, que ce soit en photo ou en vidéo. La vidéo dont j'ai par ailleurs fait mon métier » explique Christophe Asselin.
Du sol français, aux grandes plaines américaines, le pas à franchir est gigantesque. Comment le chasseur d’orages s’est-il transformé en chasseur de tornades ? « Pour la plupart des chasseurs d'orages, la ‘Tornado Alley’[zone de passages de tornades qui couvre plusieurs états, ndr] américaine est un véritable Graal. C'est d'ailleurs là-bas que sont apparus les premiers chasseurs d'orages dans les années 1950. Il faut savoir que la tornade est le phénomène ultime de l'orage, et conséquemment un des phénomènes les plus prisés des passionnés que nous sommes. Mais c'est aussi un événement plutôt rare dans nos contrées. Depuis les nombreux documentaires vus sur le sujet dans ma jeunesse, j'avais développé le rêve de me rendre dans ces grandes plaines qui ne connaissent pas d'équivalent dans le monde. Il n'y a qu'à cet endroit qu'on peut observer autant de tornades dans des conditions idéales : terrains plats et vierges, réseau routier important, moyens de communication... »
« Twister » en 1996, « Tornado » en 2005, « Take Shelter » en 2011, le cinéma hollywoodien a souvent mis les tornades et leur impact destructeur au cœur de ses productions les plus sensationnelles. Pourquoi les tornades fascinent-elles autant ? « Au même titre que les orages, ou que les autres phénomènes extrêmes (ouragans, volcans, séismes...) je trouve que la tornade est un des éléments qui nous permet de rester humble face à la nature. Cette dernière sait nous rappeler que c'est elle qui est aux commandes. J'aime cette puissance incontrôlable, sur laquelle l'Homme n'a pas encore mis la main. Et plus qu'une simple question de contrôle, il s'agit aussi de la connaissance du phénomène. On a encore beaucoup à découvrir sur les tornades, sur les conditions qui favorisent leur formation, sur leur comportement et leurs caractéristiques. Tout cela en fait un sujet mystérieux dont on sait qu'il a un bon paquet de secrets à nous distiller sur le long terme. Il y a ensuite des considérations purement esthétiques. Comme on dit, ‘la beauté est dans l'œil de celui qui regarde’. Pour ma part, j'admire la beauté de ces tourbillons majestueux qui lient ciel et terre, en prenant une multitude de silhouettes différentes, et le plus souvent au sein d'environnement aux lumières et contrastes irréels. C'est en cela que chaque tornade est unique. On ne croisera jamais deux fois la même » précise le passionné.
Un tourbillon d’aventures savamment préparé
Partir dans des territoires aussi isolés, à l’assaut de phénomènes naturels causant chaque année la mort de plusieurs centaines de personnes, ne s’improvise pas. Christophe Asselin a su s’entourer de co-équipiers hautement préparés, et tout aussi passionnés : « Nous nous connaissions depuis plusieurs années grâce aux forums météo français, et je voyais Vincent régulièrement puisque nous vivions dans la même ville. Tony et lui avaient déjà décidé de partir et recherchaient un troisième équipier. Dans un contexte financier un peu difficile, j'ai hésité assez longuement, mais ait fini par accepter au dernier moment. Je ne le regrette absolument pas et je les remercie de m'avoir un peu poussé ! Nous avons eu la chance de partir avec quelqu'un d'expérimenté puisque l'un des trois membres de l'équipe, Vincent, avait effectué le même voyage à deux reprises. Ajouté aux conseils des quelques autres chasseurs français ayant déjà fait le déplacement, nous avions quelques cartes en main. Certaines organisations américaines (les "tornado tour") proposent aux touristes plus ou moins passionnés de les emmener à la chasse aux tornades dans des Minivans spécialement affrétés sur une période définie. C'est une bonne solution pour quelqu'un souhaitant simplement observer de belles choses sans se soucier de tout ce que cela implique au niveau logistique, mais ce n'était évidemment pas du tout ce que nous recherchions. Nous souhaitions partir par nos propres moyens et être parfaitement libre de nos décisions et de nos actions. La préparation consiste donc en un bon nombre de démarches préalables par Internet, avec l'aide ponctuelle des collègues chasseurs américains que l'on contacte facilement sur les forums ou les réseaux sociaux. Billets d'avion, location d'un véhicule, préparation du matériel photo, activation d'un compte Internet 3G à utiliser dans la voiture, sont autant d'éléments auxquels il a fallu penser. La plus importante phase de préparation fut cependant une révision des particularités climatiques et des techniques de prévisions météorologiques spécifiques aux tornades. Il était également important de rassembler tous les logiciels et liens Internet qui nous permettraient de mener à bien ces prévisions ou ces observations en temps réel une fois sur le terrain. Quelques semaines avant le départ, nous organisions des chasses américaines virtuelles par webcams interposées (nous habitons trois villes différentes) en suivant en direct sur Internet les situations orageuses du début de printemps. Un entraînement loin d'être futile. Dès lors que nous étions sur place, il suffisait d'établir nos prévisions en complément de celles émises par les organismes américains afin de décider dans quelle direction nous allions rouler. Où les orages étaient, nous allions ! »
Voiture blindée, programmes informatiques dernier cri, combinaison ? Quel est le matériel indispensable du chasseur de tornade sur les routes ? « Il existe certes quelques chasseurs américains qui ont construit leur propre véhicule blindé pour s'approcher voire intercepter des tornades (on en croisera dans la série !) mais dans la plupart des cas - et à fortiori en France - une voiture normale est suffisante ! L'important étant toutefois de savoir éviter les zones de l'orage les plus grêligènes, qui pourraient anéantir vitres et pare-brise en quelques secondes. Un ordinateur portable ou un smartphone connecté à Internet sont fortement utiles en France et indispensables aux Etats-Unis. On peut y suivre la situation en direct et ainsi déterminer si l'on est potentiellement en danger ou pas. Le GPS quant à lui est un plus appréciable mais une bonne vieille carte en papier permet parfois une meilleur vue d'ensemble. Cependant, rien ne remplace une excellente connaissance du terrain de chasse ! Il y a bien-sûr aussi le matériel photo et vidéo, qui dans mon cas est réuni en un seul appareil grâce à la magie des Reflex de dernière génération. Cela n'empêche qu'il ne faut pas oublier les milliers d'accessoires complémentaires : objectifs, trépieds, batteries, cartes mémoires, télécommandes, chiffons...Enfin, on complète souvent la panoplie par un lot d'éléments potentiellement utiles lors d'un long séjour en voiture : nourriture, boisson, lampes de poches, vêtements chauds...Il m'arrive de vivre dans ma voiture pendant 48 heures voire plus, si je pars en chasse à l'autre bout du pays. »
Passer sa vie dans une voiture à l’affût du moindre changement de temps, courir après un orage pour obtenir le meilleur point de vue, rester des heures à étudier une situation météo…
Concrètement, être chasseur d’orages et de tornades, ça veut dire quoi ? « J'ai l'habitude de dire qu'il existe, à mon sens, deux principales catégories de chasseurs. Dans un premier temps, les âmes scientifiques, celles qui vont chercher à comprendre le phénomène, à le décrypter, l'analyser. Ces chasseurs sont particulièrement importants aux Etats-Unis puisqu'ils ont la responsabilité d'améliorer la prévision de ces phénomènes afin de diminuer leur impact parfois désastreux sur les populations. A l'aide d'instruments météorologiques, ils vont tenter de saisir au mieux les paramètres qui régissent ces orages violents. La seconde catégorie est celle dans laquelle je me positionne. Il s'agit des contemplatifs, qui vont trouver dans les orages et les tornades un sujet de choix pour leurs photos et vidéos. A cet effet, ce qui compte pour moi est d'immortaliser au mieux la scène observée. Bien qu'avant tout passionné par l'événement en lui-même, je me sentirais fortement frustré de ne pouvoir le photographier et filmer. Il faut que je puisse garder une trace de cet instant que je suis en train de vivre, pour le partager ensuite. Je pourrais ainsi retranscrire la chasse sur mon site web en essayant d'en faire un récit le plus divertissant et intéressant possible. Traquer l'orage c'est donc d'abord estimer au mieux la zone où il pourrait se former, afin de s'y rendre et - si la prévision était bonne - de ramener un petit bout de cet orage avec nous, qu'il soit sous forme de photo ou de donnée scientifique. Cela ne signifie pas pour autant que je ne cherche pas à comprendre ce qui se passe, ou que le scientifique possède une sensibilité amoindrie envers ce qu'il observe. Ce sont juste deux approches différentes et complémentaires, constituant autant de témoignages de l'événement. Aux Etats-Unis, tout chasseur d'orages remplit en outre un rôle essentiel de protection de la population à l'instant T puisqu'il est souvent le premier à pouvoir avertir de la formation d'une tornade (aucun outil d'analyse météo n'est capable de détecter une tornade à coup sûr) et à pouvoir porter assistance si malheureusement celle-ci occasionne des dégâts. »
Les plus grosses galères sur la route, les meilleurs souvenirs, les échanges avec la population et les autres chasseurs d’orages…Retrouvez la seconde partie de l’interview inédite de Christophe Asselin ce mercredi en exclusivité sur lachainemeteo.com !
La série "Rendez-Vous In Tornado Alley" est diffusée tous les dimanche à 19h30 sur La Chaîne Météo, rediffusée à 22h30 le même jour, le mercredi à 10h00, et le samedi à 20h30. Retrouvez également l'épisode sur lachainemeteo.com dès le lundi soir.