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Février : le mois des extrêmes dans l'hémisphère nord
Alors que l'Europe de l'ouest a connu un mois de février globalement très doux, l'Amérique du nord a subi les assauts d'un hiver glacial, avec des records d'enneigement pour ce mois de février. Peut-on imputer ces extrêmes au réchauffement climatique ? Analyse de notre météorologue Régis Crépet.
A l'échelle de l'hémisphère nord, ce mois de février aura été celui des extrêmes climatiques, ou plutôt des opposés, avec d'un coté les rigueurs d'un hiver très long en Amérique du nord, et de l'autre, une Europe de l'ouest restée globalement très douce et sèche.
Le jeu des vases communiquants
On constate bien souvent un effet de vases communiquants entre le froid présent sur le continent nord américain et la douceur qui règne en Europe de l'ouest : cet hiver, l'exemple est frappant. Cela est dû à l'irruption du froid américain sur l'Atlantique nord, provoquant la formation de grosses dépressions, lesquelles dirigent ensuite des vents de sud-ouest vers l'Europe. Ce cas de figure n'est pas systématique : on observe, certains hivers, du froid simultané en Amérique du Nord et en Europe de l'ouest, lorsque le vent vient de Russie et bloque le flux océanique, comme en février de l'année dernière.
Le jet stream est le principal moteur de la circulation atmosphèrique : ces vents de haute altitude font le tour de la planète et circulent d'ouest en est à 10 000 mètres d'altitude, pilotant les dépressions et les vents dominants. On comprend dès lors que le flux océanique apporte majoritairement de l'air doux et humide sur l'Europe de l'ouest, bien que située à la même latitude que le Québec. Le jet stream n'est pas le seul en cause dans ce scénario climatique : il existe également un courant de haute altitude, qui fait le tour de l'arctique, appelé vortex polaire. Son principe de fonctionnement est semblable au jet stream. Il maintient l'air froid sur les hautes latitudes, mais s'il vient à ralentir ou s'il subit des fluctuations, il peut laisser s'échapper des vagues de froid vers le sud.
Un mois de février atypique
Cette année, la configuration météo est tout de même atypique. Le froid américain a recouvert tout le continent, de la côte pacifique à la côte atlantique, ce qui n'est pas fréquent. L'hiver, là-bas, est l'un des plus froids et des plus enneigés depuis le début des relevés dans les Etats du nord-ouest américain, mais des records de froid absolus ont également été battus au Québec.
En Europe de l'ouest, la douceur de cette fin février n'est même pas provoquée par le flux océanique, mais par la position remarquablement durable d'un anticyclone sur la France et l'Allemagne, faisant remonter, au-dessus de nos têtes, de l'air issu d'Afrique du Nord. Cette douceur a finalement envahi la Scandinavie, qui avait pourtant connu un mois de janvier particulièrement rude. L'air froid s'est écoulé, par pulsions, vers le sud-est de l'Europe : la Turquie, la Grèce et le Proche Orient, où la neige est tombée jusque sur les îles de la mer Egée.
Le réchauffement climatique en cause ?
Cette configuration météo des extrêmes suscite des interrogations et donne lieu à des études pour en déterminer la cause. D'un point de vue physique, l'explication réside dans le jet stream, ces vents de haute altitude qui ceinturent la planète et qui pilotent les masses d'air. D'ordinaire, le Jet Stream fait le tour de la Terre à grande vitesse, d'ouest vers l'est, à environ 10 000 mètres d'altitude. Mais, ces dernières années, le jet stream ralentit, faisant alors des méandres, comme une rivière. Ces méandres plongent vers le sud, entraînant les masses d'air froid vers les basses latitudes, puis remontent vers le nord, entrainant la douceur vers les hautes latitudes.
Reste à déterminer la cause de ce changement dans la circulation du courant jet. Ce n'est pas inédit : dans la décennie 2000, on a observé le même phénomène, avec les mêmes conséquences, à savoir des vagues de froid qui avaient touché, cette fois-ci, l'Europe de l'ouest. Auparavant, la décennie 1990 avait connu, au contraire, un jet stream très rapide, occasionnant de nombreuses tempêtes venant de l'Atlantique. Il semblerait donc que ces variations soient cycliques, mais des études semblent mettre en cause le réchauffement climatique : les différences de températures étant moindres entre l'Arctique plus doux et la zone intertropicale, le jet stream s'en trouverait affaibli, avec les conséquences évoquées ci-dessus.
Ceci pourrait donc expliquer, en partie, pourquoi le réchauffement climatique serait responsable de "phénomènes météo extrêmes", bien qu'il faille se montrer très prudent sur cette notion "d'extrêmes", qui ont toujours existé dans le passé, dont témoignent de nombreux relevés et articles de presse historiques. La variabilité naturelle du climat ne doit pas non plus être occultée.