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Été 2019 : doit-on craindre une canicule en France ?

Par Regis CREPET, météorologue
mis à jour le

La France métropolitaine a connu une série de 4 étés remarquablement beaux et chauds depuis 2015, avec des canicules à répétition et une sécheresse persistante. Cette année, la chaleur est arrivée très tardivement en France, mais une forte vague de chaleur se profile pour ces prochains jours. Dans cette configuration, quel est le risque de canicule pour cet été 2019 ? A ce jour, les indicateurs statistiques corrélés à nos tendances à long terme permettent a priori d’écarter un risque important de canicule avec le retour d’un été plus standard sur notre pays.

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Alors que le mois de juin présentait jusqu'à ce jour des températures globalement déficitaires sur notre pays après un mois de mai frais (anomalie de -1°C par rapport aux moyennes), la chaleur tarde à s'installer durablement malgré un bref coup de chaud en début du mois. La semaine prochaine s'annonce nettement plus chaude, avec un probable épisode caniculaire, mais sur une durée assez limitée. Ce contexte permet-il d'en tirer des conclusions concernant le risque de canicule pour cet été ?

Une série d'étés exceptionnels en France

Les beaux étés que la France connaît depuis 2015 ont été exceptionnels en raison de températures particulièrement élevées et d’une sécheresse durable. Dans ce contexte, les épisodes de fortes chaleurs se sont succédés, notamment l’année dernière : lété 2018 s’inscrit ainsi en 2e position des étés les plus chauds depuis 1900 en France, après celui de 2003 marqué par la canicule meurtrière du mois d’août. Même si les étés sont majoritairement très chauds en France depuis la décennie 2000, les archives nous indiquent qu’ils évoluent selon des cycles.

Vagues de chaleur et canicules : des cycles de 3 à 4 ans

Les archives et les statistiques nous indiquent une augmentation du nombre d’étés très chauds en France métropolitaine depuis la décennie 2000, avec des cycles d’une durée de 3 à 4 ans. La dernière série d'étés très chauds remonte à la période 2002 à 2006, dont la canicule d’août 2003 fut le point culminant. Elle est restée à ce jour inégalée en termes de durée et d’intensité. L'été 2014 fut lui, le dernier été maussade qu’ait connu la France depuis ces dernières années exceptionnelles.

De 2015 à 2018, les vagues de chaleur et les canicules se sont donc répétées sur la France de juin à août, ce qui ne s’était plus vraiment reproduit depuis 2006. L’analyse de ces cycles laisserait à penser que l’été 2018 fut probablement le dernier de cette série récente, avant un retour possible à la normale cette année. Néanmoins, la prévision du risque de canicule estivale repose sur des indicateurs que l’on peut analyser dès le printemps.

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Le printemps : des indices statistiques assez fiables

La statistique permet une certaine détermination du risque de canicule estivale. Celle-ci laisse, a priori, peu de place au doute. Depuis 1940 et hormis quelques exceptions, la presque quasi-totalité des printemps qualifiés de "plutôt maussades" ont été suivis d'étés à peu près conformes aux normales, sans vague de chaleur notable.

Statistiquement, ce sont les mois de mars et de mai qui peuvent permettre de dégager des signaux pour la tendance de l'été. Mais si cette tendance statistique est prouvée, reste quelques exceptions avec les années 1975 (qui a précédé la canicule de 1976), 1995 et surtout le mémorable été 1983 où la canicule de juillet fut l’une des plus intenses survenues en France après un printemps remarquablement pluvieux.

Les statistiques montrent que les printemps frais et humides n'aboutissent presque jamais à un bel été. Elles confirment ainsi de précédentes études climatologiques (1) selon lesquelles un environnement sec au printemps est un préalable nécessaire pour augmenter le risque de canicule en été (comme en 1976 et en 2003).

Canicule : les indicateurs de risque

L'humidité des sols superficiels est un indicateur du risque. Lorsqu'ils sont humides sur de vastes étendues, en particulier sur les pays du pourtour méditerranéen, ils réduisent significativement le risque de canicule. Ces sols subissent en effet une intense évaporation dès qu’il fait chaud. Ils entraînent dès lors la formation de nuages et d’orages, et limitent la durée d’une vague de chaleur. Ces mêmes sols humides ont généralement tendance à faire plafonner les températures estivales.

A l’inverse, des sols déjà très secs ne peuvent permettre ce processus. Ainsi, les grandes canicules de 2003 en France et de 2010 en Russie avaient été corrélées à des sols printaniers déjà très secs. On sait désormais que ces sols sont propices à la survenue de fortes chaleurs et de canicule. L'humidité des sols étant un indicateur du risque de canicule, il est donc nécessaire de faire le point sur la situation hygrométrique actuelle.

Sur les trois mois de l’hiver 2018-2019, la pluviométrie a été déficitaire de 14% en moyenne sur le pays. Il n'y a donc pas eu assez d'eau, surtout après un été et une première partie d'automne très secs. Mais le printemps actuel semble rééquilibrer le bilan pluviométrique, notamment grâce aux pluies assez fortes sur le nord en mars et en ce mois de mai, tandis que le sud a subi des précipitations notables plutôt en avril. Au bilan, les sols superficiels présentent désormais une humidité relativement normale, d’autant plus que le niveau standard des températures a évité une évaporation trop importante en mai. Ce printemps 2019 sera finalement rééquilibré au regard des précipitations et des températures, ce qui est un facteur limitant le risque de canicule pour cet été.

Quels risques de canicule cet été ?

Si les statistiques et l’humidité des sols permettent de limitant fortement un risque de canicule pour cet été, l’analyse des centres d’action qui pilotent le temps sur l'hexagone, ce que l’on appelle la « synoptique », permet de conforter cette donnée. Normalement les configurations météorologiques propices aux canicules en France sont liées à l’extension de l’anticyclone des Açores jusqu'en Europe centrale, car elles orientent les vents au secteur sud. Mais pour cet été, avec des dépressions qui seraient récurrentes sur le bassin méditerranéen et des anticyclones vissés aux hautes latitudes, la situation sera très différente. On peut en déduire que l’été serait plutôt propice aux orages, surtout au sud de la France, et à du beau temps plus durable au nord. Ces orages, même s’ils ne sont pas utiles pour recharger les nappes phréatiques car trop localisés, permettraient au moins de conserver une certaine humidité des sols qui agirait ainsi comme une « barrière anti-canicule ». Dans ce contexte, l’été 2019 pourrait s’avérer globalement standard sur la France, comme indiqué dans nos prévisions saisonnières.

En conclusion, les statistiques et la configuration du printemps laissent à penser que le risque de canicule pour cet été est nettement moins probant que ces dernières années. Grâce au retour des pluies, l’humidité des sols est redevenue conforme à la saison sur la quasi-totalité de la France, ce qui pourra freiner la hausse des températures. De plus, l’analyse des centres d’action prévus pour cet été permet d’anticiper une saison orageuse active sur notre pays, ce qui pourra là aussi agir comme un modérateur sur les fortes chaleurs.

L'épisode caniculaire attendu pour la semaine prochaine s'inscrit dans un contexte où le mois de juin était bien prévu comme le plus chaud de l'été par nos prévisions saisonnières : on peut en déduire que cela ne remet pas en cause la tendance globale de l'été, qui s'annonce très changeant et surtout très orageux en raison des fréquents changements de température. Il est tout à fait possible que cet épisode ne se reproduise plus de tout l'été.

© La Chaîne Météo

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