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Incendies : un risque maximal d'embrasement ce jeudi
L'association de la chaleur extrême ce mercredi et jeudi et de la sécheresse conduit à un risque maximal d'incendies dans les forêts, mais aussi les cultures. Le danger est également majeur dans des zones peu habituées, comme le bassin parisien. La Chaîne Météo a interrogé Régis Crépet, météorologue-climatologue, sur le risque d'incendies ces prochains jours et ces prochaines semaines.
Comment qualifier la saison des incendies actuelle ? Est-elle normale, précoce ou tardive par rapport aux autres années ?
Régis Crépet : La saison des incendies est précoce cette année. Elle a démarré brusquement avec la canicule de la dernière décade de juin, alors que la situation était relativement satisfaisante jusque là en raison de l'absence de chaleur et de sols encore assez humides jusqu'à la mi-juin. La situation s'apparente désormais à celle d'une fin août.
Hier, des #incendies violents ont sévi dans l'Aisne et l'Oise. Cet incendie a été filmé hier, à Couchy. 🔥 Le risque sera maximal demain. Soyez très prudents. ⚠️ Crédit 🎞️ flash.meteoantilles pic.twitter.com/LPgqwtG37j
— La Chaîne Météo (@lachainemeteo) July 24, 2019
Les précédentes années ont été sèches et propices aux incendies, mais dans une moindre mesure, car les mois de juin avaient été très humides (sauf en 2015, où la situation est un peu comparable). D'une manière statistique, la saison des incendies de forêt en France s'étale de juillet à septembre, mais cela est très variable selon les années. Grâce à la surveillance de nos massifs forestiers, la France n'a pas connu d'incendies majeurs de grande ampleur depuis 2003, même si ces deux dernières années (2017 et 2018) étaient assez actives : on a frôlé la catastrophe dans certains endroits, compte-tenu des fortes chaleurs et de la sécheresse (Pyrénées-Orientales et Bouches du Rhône).
Les fortes pluies tombées régulièrement dans le sud-est ces derniers mois ont-elles encore un impact sur les sols, pour empêcher la végétation de brûler rapidement ?
Régis Crépet : Les pluies tombées au sud-est au printemps et au début de cet été se sont produites sous forme d'orages, et surtout en montagne. Mais là aussi, la canicule de la fin juin a eu un effet "sèche- cheveux", provoquant une intense évaporation. Les sols ont séché et la végétation a littéralement grillé sur pied. D'autre part, les orages, même violents, sont assez localisés et n'arrosent pas de grandes superficies. Et enfin, avec les fortes chaleurs durables, l'humidité laissée par les orages s'évapore en quelques heures, et ne s'infiltrent plus dans le sous-sol à cette époque de l'année. Ces orages n'ont donc pas d'efficacité durable mais sont, malgré tout, les bienvenus lorsqu'ils éclatent. Grâce à eux, les incendies de forêt en montagne sont restés très rares et vite circonscrits (Alpes-Maritimes, Pyrénées).
La situation des prochains jours sera-t-elle favorable aux incendies ?
Régis Crépet : La journée à risque maximale sur la France est ce jeudi. Cette deuxième canicule de l'été provoque un nouveau coup de chalumeau sur des sols déjà desséchés, et la masse d'air est également très sèche. C'est un cercle vicieux : les sols s'assèchent, diminuant l'humidité potentielle pour la masse d'air. Cet engrenage augmente également le niveau des températures. D'autre part, le vent va se lever : vent d'Autan en Occitanie et la plaine toulousaine, vent du sud dans la vallée du Rhône, vent de sud-est sur la Bourgogne, les régions centrales et les Hauts de France. Ce vent de sud-est sera brûlant et très sec (20% d'humidité), favorisant les incendies de champs et de végétation à la moindre occasion (étincelles accidentelles avec le matériel, imprudence, mégots...).
Dans ce contexte sec et caniculaire, les incendies peuvent-ils se déclencher en dehors des forêts : prairies, champs de culture… ?
Régis Crépet : Ce jeudi sera une journée à hauts risques sur les régions centrales et le bassin parisien. Des incendies de champs de céréales se sont déjà produits ces derniers jours, brûlant des dizaines d'hectares. Avec une hausse supplémentaire des températures ce jeudi (autour de 40°C généralisés) et surtout la levée du vent sec, le risque d'embrasement des champs sera qualifié de "maximal" par l'organisme européen de prévisions du risque d'incendies (EFFIS).
Avec la sécheresse présente sur le centre-ouest ou encore le bassin parisien, y a-t-il un risque d’incendies dans des zones peu habituées : les grandes forêts d’Ile-de-France comme Rambouillet ou Fontainebleau sont-elles à risques ?
Régis Crépet : Oui, le risque est important pour ce jeudi : les éventuels incendies de champs peuvent alors menacer des bois à proximité et des massifs forestiers de résineux, très inflammables. A cet égard, les massifs de l’île de France telles les forêts de Fontainebleau, de Rambouillet ou encore d'Ermenonville seront très surveillés. Certains incendies s'y sont déjà produits certaines années, comme en septembre dernier, mais les services de surveillance et d'intervention sont aguerris à ce type de risque. Les feux de champs qui échappent à tout contrôle ne sont pas les seuls facteurs de risque bien sûr : il y a les imprudences (mégots, barbecues - interdits en forêt !) et les actes de malveillance. Rappelons à ce sujet que l'incendie volontaire est un délit passible de 10 ans d'emprisonnement.
Les violents orages prévus en fin de semaine vont-ils améliorer la situation (grâce à l’eau) ou l’empirer (à cause de la foudre) ?
Régis Crépet : De forts orages vont éclater ce jeudi soir sur les Hauts de France et en Nouvelle Aquitaine, mais ces premiers orages de chaleur n'auront pas d'effet sur la sécheresse. En revanche, une dégradation plus marquée est attendue vendredi avec des orages généralisés : ils vont traverser lentement la France vers l'est vendredi en cours de journée, et persister jusqu'à dimanche matin. Cette dégradation météorologique sera la bienvenue car on attend des pluies assez généralisées avec des cumuls pouvant atteindre 30 à 50 mm, soit l'équivalent de 3 semaines de pluie en deux jours. Ces pluies auront tendance à ruisseler au début de l'épisode, mais compte-tenu de la durée, elles finiront par apporter un arrosage copieux et relativement bénéfique. Cela n'enrayera pas la sécheresse mais ce sera un bon répit, à la différence des grandes sécheresses de 1976 ou de 2003, où aucun épisode pluvieux marqué ne s'était produit.
La sécheresse et la canicule actuelles présagent-elles d'un mois d'août à risque ?
Régis Crépet : Les fortes chaleurs récurrentes et la sécheresse de ce mois de juillet aboutissent à une situation que l'on trouve généralement en fin d'été : le niveau des cours d'eau baisse, mais les grands lacs réservoirs restent dans les normales pour cette époque de l'année grâce aux précipitations du printemps et la fraîcheur qui s'était maintenue jusqu'à la mi-juin. Cependant, les deux canicules ont desséchés les sols et la végétation. Une troisième canicule serait très problématique. A ce sujet, les prévisions pour le mois d'août indiquent la persistance d'un déficit global de précipitations, mais les vagues orageuses pourraient être plus fréquentes. Les températures, tout en restant encore supérieures aux moyennes de saison, seront moins élevées qu'en juillet. On peut en conclure que la tendance reste encore assez chaude et plutôt sèche, mais le risque de canicules aussi intenses qu'actuellement paraît plus minime. Malgré tout, la situation restera tendue sur le front des incendies de forêt jusqu'aux pluies efficaces d'automne.