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Les épisodes méditerranéens sont-ils plus fréquents et plus violents ?
Le Languedoc-Roussillon vient de connaître son 1er véritable épisode méditerranéen de la saison, avec des cumuls de pluie importants et de graves inondations dans l'Hérault, les Bouches-du-Rhône, ou encore le Var. Nous avons interrogé Régis Crépet, météorologue-climatologue de La Chaîne Météo sur l'évolution des épisodes méditerranéens au cours des dernières années.
Comment se situe cet épisode actuel par rapport aux principaux épisodes des dernières années ?
Régis Crépet : L'épisode que nous venons de connaître a été intense avec une grande extension géographique, mais les cumuls pluviométriques n'ont pas atteints de records, sauf pour la ville de Béziers (34), avec 241 mm. On est loin des records de 300 à 400 mm observés dans les années 1990 et même dans le passé, au regard des archives. Il s'agit donc d'un épisode classique pour cette période de l'année dans nos régions méridionales.
L’urbanisation du sud-est est-elle un facteur aggravant des inondations ?
Régis Crépet : Oui, assurément. L'urbanisation et les pratiques agricoles participent à l'écoulement des eaux qui ruissellent sur les sols. L'urbanisation imperméabilise les sols tandis que les cours d'eau qui traversent certaines villes sont à l'étroit. A Marseille, l'Huveaune, petit fleuve côtier qui traverse l'agglomération, a failli déborder alors que les cumuls pluviométriques n'ont pas dépassé 100 mm. La catastrophe de Trèbes, survenue dans l'Aude l'année dernière, a mis en exergue cette problématique d'aménagement du territoire. Les Anciens ne construisaient pas dans les lits des cours d'eau, ni dans les plaines fluviales telles celles de l'Aude et de l'Orb autour de Béziers.
Les zones touchées cette fois-ci sont-elles des zones « habituelles », où les inondations se produisent souvent, ou non ?
Régis Crépet : Tout à fait, les épisodes méditerranéens touchent de façon privilégiée les Cévennes et le bassin versant de l'Aude, ce qui a encore été le cas cette fois-ci. On note cependant une grande extension géographique couverte par des pluies supérieures à 100 mm sur cet épisode, ce qui a contribué au débordement de plusieurs fleuves et rivières en même temps. La région PACA est également sujette aux violents épisodes orageux.
De tels épisodes se sont-ils déjà produits par le passé?
Régis Crépet : Oui, tout à fait, et de façon souvent bien plus violentes. Les épisodes font partie intégrante du climat méditerranéen, soumis à la sécheresse estivale et aux inondations automnales. Les géographes parlent même de "mousson méditerranéenne" pour qualifier cette récurrence annuelle. De nombreux épisodes ont largement dépassé ce qu'on a connu ces derniers jours. A Béziers, l'Orb, qui a atteint les 11,28 mètres ce mardi 22 octobre, avait atteint près de 14 mètres en 1995. Le Tarn est monté à plus 10 mètres à Albi en 1776 et à 21 mètres en 1930 à Saint-Sulpice, ravageant tout. Le Rhône avait dévasté Avignon en 1935, L'Ouvèze a dévasté Vaison la Romaine en 1992 mais aussi quelques siècles plus tôt. Toulouse avait été dévasté par la Garonne en 1875. Ce sont quelques exemples.
Avec le réchauffement climatique, ces épisodes sont-ils plus fréquents et plus intenses ?
Régis Crépet : Le lien de cause à effet n'est pas probant : les archives du passé montrent de puissants épisodes qui ont généré des cumuls pluviométriques bien supérieurs à ce que l'on connaît ces dernières années, avec parfois près de 1000 mm dans les Pyrénées ou encore vers le Tarn et les Cévennes. Dans la décennie 2000, des épisodes cévenols s'étendant sur plusieurs jours ont provoqué des cumuls atteignant 900 mm. De même, la fréquence ne semble pas en augmentation, avec en moyenne 2 à 5 épisodes par an. Mais on peut éventuellement constater des intensités horaires plus fortes, comme des pluies tropicales, ce qui entraîne des conséquences rapides éventuellement plus catastrophiques, notamment en raison de l'urbanisation.
Selon les connaissances actuelles, peut-on craindre davantage d’épisodes méditerranéens dans le futur ?
Régis Crépet : Le réchauffement climatique peut entraîner une température de la mer Méditerranée plus élevée, ce qui accroît le potentiel d'humidité. Ces facteurs peuvent engendrer des épisodes pluvieux plus intenses. Ainsi, à l'image des ouragans dans l'Atlantique, le nombre d'épisodes méditerranéens n'augmentera peut-être pas mais leur intensité sera éventuellement plus marquée.