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Épisodes méditerranéens : la suite de la saison est-elle encore à risques ?

Par Regis CREPET, météorologue
mis à jour le

Alors que le sud-est de la France a été frappé par le troisième épisode méditerranéen de la saison 2019 le week-end dernier, peut-on espérer une accalmie pour le reste de la saison ou doit-on craindre encore de nouvelles intempéries ? Voici l'analyse de La Chaîne Météo.

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Chaque année à la même époque, entre la fin de l'été et le début de l'hiver, les pays riverains de la Méditerranée subissent des épisodes d'intempéries appelés "épisodes méditerranéens". Le principe de formation repose sur les conflits de masses d'air qui se mettent en place au-dessus de la mer, dont la température reste encore assez chaude après l'été. Les reliefs bordant la Méditerranée accentuent le phénomène pluvieux par effet de blocage. Certaines années sont plus calmes que d'autres, et cette saison 2019 renoue avec des épisodes violents et dramatiques. Cette situation est-elle amenée à persister en ce mois de décembre?

© La Chaîne Météo

Tendance à moyen terme : doit-on redouter d'autres épisodes ?

La tendance à moyen terme reste à surveiller jusqu'à la mi-décembre, avant une nette amélioration probable en deuxième quinzaine. A ce jour, nos prévisions envisagent toujours une circulation ondulatoire du jet stream, aboutissant à de fréquents changements de temps. Ainsi, la semaine prochaine sera marquée par le retour des perturbations sur la moitié nord de la France, épargnant alors le sud (il est en effet très rare que le nord et le sud soient soumis à des intempéries simultanément).

Mais ensuite, dans la période du 13 au 15, une nouvelle dépression issue de l'Atlantique nord pourrait plonger vers la péninsule ibérique, ce qui pourrait entraîner un nouvel épisode d'intempéries sur le pourtour méditerranéen.

Ensuite, la deuxième quinzaine de décembre devrait être plus anticyclonique sur le bassin méditerranéen : cette perspective, rassurante, pourrait alors se maintenir jusqu'en fin d'année. Pour la suite, la saison des épisodes méditerranéens cessera d'elle-même, limitant alors le risque, bien que des tempêtes d'hiver puissent toujours se produire, mais de façon beaucoup plus rare et avec des conséquences moins catastrophiques.

Intempéries au sud-est cette année : le rôle du jet stream

Mandelieu-la-Napoule centre ville © La Chaîne Météo

Pourquoi certaines années sont-elles plus actives que d'autres? La réponse à cette question se trouve dans la configuration météorologique globale, ce que l'on appelle la "synoptique". On a coutume de penser que la température de la Méditerranée est un facteur déclencheur de ces épisodes, mais cela ne suffit pas : si le temps est calme et anticyclonique malgré une mer chaude, il n'y aura pas d'intempéries. Certaines années ont vu des récurrences d'épisodes méditerranéens malgré des températures de la mer plus basses que la moyenne, comme en 2011. Cette année, la Méditerranée voit, depuis le mois de novembre, des températures légèrement plus fraîches que les moyennes de l'ordre de 1°C sur le golfe du Lion alors qu'elle est plus chaude sur l'est du bassin (Grèce, Turquie).

Le phénomène véritablement aggravant cette année est lié aux ondulations du jet stream, ces vents de haute altitude qui pilotent les dépressions et les masses d'air. Le jet stream circule généralement à grande vitesse selon une trajectoire plutôt rectiligne, propulsant les dépressions atlantiques d'ouest en est. Or, depuis quelques années, et notamment cet automne, on assiste à un ralentissement de ce courant jet, lequel évolue en méandres, à l'image d'un fleuve. Ces méandres sont récurrents depuis le début de l'automne et entraînent les dépressions de l'Atlantique nord vers le sud, c'est-à-dire vers la péninsule ibérique puis vers l'ouest de la Méditerranée, dont les côtes françaises. Il en résulte de fréquents épisodes de mauvais temps dans le sud de notre pays, de la Nouvelle Aquitaine (touchée aussi par une pluviométrie exceptionnelle) à la région PACA. Dans ce contexte, on ne peut pointer du doigt la température de la mer comme responsable, mais plutôt une circulation atmosphérique atypique.

Une saison 2019 dans les moyennes jusqu'à présent

© La Chaîne Météo

Certaines années sont plus actives que d'autres, à l'image des saisons cycloniques qui ne sont jamais totalement semblables en fonction de la variabilité climatique. Ainsi, on dénombre en moyenne de 2 à 5 épisodes méditerranéens par an en France, sachant qu'ils se déclenchent majoritairement en automne. Le mois d'octobre est le plus actif, suivi de novembre. Normalement, en décembre, les épisodes diminuent puis cessent. A ce jour, le sud-est de la France a connu 3 épisodes méditerranéens : celui du 23 octobre, responsable des inondations dans l'Aude et dans l'Hérault (secteur de Béziers), puis celui du 24 novembre, responsable des inondations majeures du Var et des Alpes-Maritimes, et enfin celui du 1er décembre, dont l'intensité maximale s'est produite dans le secteur de Cannes (06).

Ces épisodes ont généré des cumuls pluviométriques souvent intenses et concentrés, de l'ordre de 200 à 400 mm, ce qui reste éloigné des grands épisodes des années 1999, 2002 ou même, plus près de nous, 2011 et 2014 où les cumuls pluviométriques pouvaient atteindre 500 à 900 mm sur les Cévennes.

La saison actuelle peut donc être qualifiée de "normale" avec jusqu'à présent 3 épisodes ayant produit environ 200 à 300 mm de précipitation chacun, mais survenant parfois sur des zones moins habituelles (la Côte d'Azur reçoit généralement nettement moins d'eau que les Cévennes, par exemple, alors que nous assistons presqu'à l'inverse cette année).

Un début de saison actif peut-il faire craindre une suite à risques ?

Les saisons les plus pluvieuses dans le sud-est de la France ont généralement débuté plus tôt que cette année, parfois dès le début septembre, comme en 2002 avec les inondations meurtrières du 9 septembre dans le Gard. Cette année-là, le dernier épisode s'était produit le 10 décembre. En 2003, après l'été caniculaire, les épisodes méditerranéens avaient débuté dès le mois de septembre pour se prolonger aussi jusqu'en début décembre.

A contrario, les années de faible activité, comme ces dernières années finalement, voient des épisodes plus concentrés sur la période septembre - octobre, avec parfois le dernier épisode qui survient début novembre. Ce fut le cas de 2016 et 2017, années peu actives malgré des exceptions (inondations de Trèbes en octobre 2018 au sein d'une saison d'activité modérée). On constate aussi que le nombre moyen d'épisodes n'augmente pas depuis les années 1950, mais qu'en revanche, leur intensité présente une légère accentuation : les lames d'eau supérieures à 190 mm en 24 heures semblent plus rapidement dépassées.

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Au regard de ces exemples et d'une analyse des saisons automnales depuis les années 1950 au sud-est de la France, on constate que la décennie 1990 / 2000 compte parmi les plus fortes intempéries. Depuis 2003, la fréquence de ces épisodes méditerranéens a diminué, certaines années présentant une faible activité comme en 2016 et 2017, d'autres étant plus violentes comme 2014, où 9 épisodes se sont produits pendant l'automne. Dans ce contexte, on peut raisonnablement penser que cette saison 2019 renoue avec une certaine normalité, mais se caractérise par une intensité parfois remarquable sur des secteurs moins habitués : ainsi, les cumuls pluviométriques les plus abondants se produisent statistiquement sur les Cévennes, alors que cet automne, la région PACA (en particulier le Var et les Alpes-Maritimes) ont subi des intensités de pluie plus rares et lourdes de conséquences en raison de l'urbanisation importante de la Côte d'Azur. L'épisode de ce 1er décembre 2019 à Cannes fait d'ailleurs penser à la tragédie survenue dans un contexte assez similaire en octobre 2015.

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