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Retour de la Nina : quel impact pour cet hiver?

Par Regis CREPET, météorologue
mis à jour le

La Nina est une anomalie froide des eaux de surface de l'océan Pacifique oriental. Cette anomalie est si vaste qu'elle peut impacter le climat planétaire. L'épisode actuel avait débuté à l'automne dernier. Puis, après une période neutre, sans anomalie cet été, le retour de la Nina est à nouveau attendu pour cet automne et l'hiver. Voici quelles pourraient en être les conséquences climatiques.

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Les eaux de surface des océans connaissent des phases chaudes et froides. Lorsque ces variations de températures s'étendent sur des milliers de kilomètres, elles affectent le sens des courants marins et modifient également la circulation atmosphérique, car tout est lié. Ces alternances de phases chaudes et froides sont particulièrement impactantes dans l'océan Pacifique, de par sa superficie. Ces variations sont appelées El Nino (pour la phase chaude) et La Nina (pour la phase froide). En l'absence d'anomalie, on parle de phase neutre ("neutral"). Ces variations cycliques ont de lourdes conséquences sur le climat mondial, dont certains effets peuvent se répercuter jusqu'en Europe. Nous allons voir comment.

Pourquoi la Nina occasionne-t-elle des intempéries planétaires ?

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L’immensité couverte par ces anomalies de température des eaux de l’océan Pacifique est telle qu’elle entraîne des modifications atmosphériques au-dessus de ces zones.

Des eaux plus froides sont propices à la formation de hautes pressions (anticyclones) tandis que les eaux plus chaudes génèrent la formation de dépressions. Ces centres d’action mettent en mouvement des vents d’orientations différentes qui vont modifier les vents de haute altitude, en particulier le jet stream, ces vents qui soufflent autour de la planète à environ 10000 m d’altitude, ce qui va ensuite jouer sur le climat planétaire.

"Ces refroidissements de ces vastes zones océaniques ont un effet significatif sur la circulation de l’atmosphère qui les traverse. Et les changements atmosphériques affectent à leur tour les régimes de précipitations dans le monde", selon le Dr Maxx Dilley, Directeur adjoint en charge du Département des services climatologiques à l’OMM (Organisation Météorologique Mondiale).

Ainsi, l’Australie connaît davantage de pluies pendant la Nina avec des risques d’inondation, tout comme l'Asie du sud-est et certaines îles du Pacifique, tandis qu’à l’opposé, certaines zones de l’Amérique du Sud risquent de connaître la sécheresse du côté du Pérou et de la Colombie par exemple, ainsi que le sud des États-Unis et une partie de l'Amérique Centrale, du côté du Pacifique. De même, la corne de l'Afrique risque de subir également la sécheresse. En outre, en modifiant les vents de haute altitude, la Nina favorise la formation d’ouragans dans l’océan Atlantique et les minimise dans le Pacifique. Enfin, en période de Nina, le jet stream se met à onduler ce qui a pour conséquence de faire descendre de l’air froid sur l’Amérique du Nord, qui doit s’attendre, dans ce type de situation, à un hiver plus froid et neigeux notamment sur le Canada. Ce même principe des descentes d'air froid est également susceptible de se produire sur l'Europe de l'Ouest lors des années Nina.

Une année 2021 marquée par la Nina

Depuis l'automne 2020, la Nina s'est mise en place dans l'océan Pacifique, après plusieurs années marquées par le phénomène inverse "El Nino". Pour résumer très schématiquement, les années Nino sont caractérisées par des températures planétaires plus élevées, tandis que la Nina refroidit le climat. Cela s'est vérifié lors du "super El Nino" de 2015 - 2016, correspondant au pic du réchauffement climatique à ce jour, À l'inverse, les années 2010 étaient marquées par de fréquents épisodes "La Nina", avec comme conséquence, des températures mondiales plus basses et des hivers rigoureux.

La Nina, survenue à l'automne dernier, fut accompagnée d'une baisse rapide, mais modeste des températures planétaires, qui se sont ensuite stabilisées pendant les mois de l'hiver boréal. La Nina n'a pas empêché de connaître un été parmi les trois plus chauds dans l'hémisphère nord, tandis que l'hiver austral a tout de même connu des anomalies froides assez marquées, particulièrement en Antarctique.

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Le retour de la Nina pour cet automne

La Nina a donc marqué une pause, comme c'était prévu, pendant les mois d'été. Cette période neutre commence à prendre fin dès à présent avec le début du refroidissement des eaux de surface de l'océan Pacifique. À ce sujet, la NOAA américaine a émis un bulletin de surveillance (ici en anglais) concernant le retour de la Nina et de ses effets attendus. Des effets qui sont surtout sensibles le long de la zone intertropicale (davantage de pluie ou de sécheresse selon les régions).

Selon les modélisations numériques de l'IRI (International Research Institute for Climate and Society), le retour de la Nina est exprimé en pourcentage de chance par trimestre. On remarque que ce pourcentage, indiqué en bleu, augmente jusqu'au trimestre Novembre-Décembre-Janvier, pour redescendre progressivement en 2022. Parallèlement, la chance d'avoir une période neutre diminue, tandis que celle d'assister au phénomène inverse El Nino reste très faible, en rouge sur le graphique. D'une manière générale, les années Nina se suivent par groupes de 2 à 3 ans, et se suivent parfois de façon rapprochée. Mais ce n'était plus arrivée depuis les années 2010.

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Le phénomène la Nina a-t-il une influence sur le temps que nous avons en France ?

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L’extension de la Nina et d’El Nino sur la moitié de l’océan Pacifique est tellement vaste que ses effets se font sentir sur l’ensemble de la zone intertropicale planétaire ainsi que sur l’Australie et le continent américain, au plus proche du phénomène. Pour les autres parties du globe, comme l'Europe, les effets sont nettement amoindris et parfois même encore mal connus. La relation de cause à effet avec l'Europe est moins nette pour plusieurs raisons.

Premièrement, le continent est situé en bout de course du fait de son éloignement géographique. Il n’y a donc pas d’impact véritablement défini des phénomènes la Nina et El Nino sur le climat de la France. D’autre part, d’autres paramètres climatiques interfèrent tels que les vents au-dessus de l’Afrique intertropicale par exemple. Cette complexité des interactions atmosphériques est telle que de nombreuses études sont toujours en cours à ce sujet. Néanmoins, ce que l'on constate, c’est qu’en phase El Nino, les hivers sont globalement plus doux en Europe de l’Ouest, alors qu’ils sont plus froids en période la Nina, avec là aussi des variations constatées. Ainsi une faible Nina n’a pas le même impact qu’une Nina très prononcée.

Il est cependant admis que la Nina est plutôt propice à des hivers froids en Europe, ce que nous avons constaté dans les années 2010 par exemple. Cela dit, la Nina n'agit pas seule dans l'évolution climatique : ainsi, concernant les hivers froids en Europe, elle est souvent corrélée aux cycles solaires (notamment l'un d'entre eux qui revient tous les 11 ans, avec une baisse d'intensité favorable aux hivers froids), alors que pour le Québec, au plus près du phénomène, le lien de cause à effet est quasi systématique. Mais, d'une façon statistique, les années "Nina" sont propices à des situations d'oscillation atlantique négative (NAO-), c'est-à-dire une configuration où l'anticyclone nord Atlantique favorise des descentes d'air froid sur la France. Lors de l'hiver dernier, cette situation s'est produite en janvier ainsi qu'en février (avec une vague de froid notable sur l'Allemagne, qui avait touché la France pendant une semaine). Mais d'autres paramètres sont venus contrecarrer cet effet. En revanche, pour cet hiver, il semble y avoir davantage de facteurs propices à un hiver froid en Europe.

En conclusion, on retiendra que la Nina est de retour pour cet automne et pour l'hiver dans l'océan Pacifique, pouvant modifier régionalement le climat. On sait que ce phénomène refroidit la planète, mais que, dans le contexte du réchauffement climatique, ces refroidissements sont plus atténués qu'avant. Ainsi, il est probable que cette année 2021 ne sera pas aussi chaude que les dernières qui viennent de s'écouler, tout en restant a priori parmi les 6 plus chaudes. On notera aussi que cette perspective accroît la probabilité d'avoir un hiver plutôt froid en Amérique du Nord ainsi qu'en Europe de l'ouest, et sur la Sibérie, ce qu'il conviendra de confirmer ou d'infirmer dans nos prochains bulletins de prévisions saisonnières.

Notes :

Le dossier du Met Office (en anglais)

Les impacts de l'ENSO sur le climat (étude in "ScienceDirect" en anglais)

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