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Les épisodes Méditerranéens deviennent-ils plus fréquents et plus intenses en France ?
Si le sud-est de la France est fréquemment soumis en automne à un risque élevé de crue et d’inondation en raison des épisodes Méditerranéens, cela fut particulièrement le cas ces dernières semaines avec des intempéries parfois exceptionnelles. Dans le contexte d’un réchauffement climatique contemporain où ces événements deviennent plus violents, faut-il craindre une intensification et une multiplication de ces phénomènes et comment ont-ils évolué depuis le siècle dernier ?
Le climat Méditerranéen, un climat doux avec des extrêmes
Les régions Méditerranéennes connaissent un climat bien particulier, car situées au carrefour des influences océaniques de l’Europe de l’Ouest, de celles continentales de l’Europe centrale et de celles désertiques de l’Afrique du Nord. Réputé pour être un climat où il fait bon vivre, le climat Méditerranéen est aussi connu pour ses extrêmes météorologiques. En effet, ces régions sont fréquemment sujettes en été aux vagues de chaleur, aux sécheresses à répétition, mais aussi aux pluies intenses en saison intermédiaire et particulièrement en automne. Ces épisodes méditerranéens se produisent de septembre à novembre, lorsque la mer est encore chaude et que la situation devient peu à peu dépressionnaire sur l’Europe de l’Ouest avec l’entrée dans la saison automnale.
Une intensification des phénomènes ces dernières décennies
Avec le réchauffement climatique contemporain, de nombreuses questions se posent sur l’évolution de ces épisodes méditerranéens en termes d’intensité et de fréquences. Les chercheurs se sont penchés sur l’analyse des données disponibles des stations météo sur ces dernières décennies, pour en dégager une tendance éventuelle. Les résultats ont ainsi montré une intensification de 22% des fortes précipitations quotidiennes entre 1961 et 2015, mais avec une très forte variabilité interannuelle qui explique la forte incertitude sur l’ampleur de cette intensification. In fine si aucune tendance réelle sur leur fréquence d’occurrence ne se dégage, il semble que la fréquence des épisodes méditerranéens les plus forts (cumuls > 200 mm) augmente. Il y aurait donc une intensification de ces phénomènes météorologiques sur le bassin Méditerranéen, mais sans certitude que ces derniers se multiplient en lien avec le réchauffement climatique contemporain.
À noter que sur le graphique ci-dessus les anomalies se réfèrent à la normale 1961-1990 du maximum annuel du cumul quotidien de précipitations.
Quelle évolution dans les prochaines décennies ?
À la vue des dernières modélisations du GIEC (Groupe Intergouvernementales d’Experts sur le Climat), la hausse de la température moyenne en régions méditerranéennes va se poursuivre ces prochaines années et les chercheurs s’interrogent sur l’évolution des épisodes de fortes pluies dans ces régions. Des efforts considérables ont été mis dans le développement de modèles météorologiques de plus en plus fins, pour appréhender le mieux possible les phénomènes de convection qui jouent un rôle primordial dans leur déclenchement et intensité. Ces dernières années, le programme international Cordex a permis de descendre à des résolutions de 10 km. Il en ressort une augmentation de l’intensité des précipitations intenses sur la partie nord de bassin Méditerranéen, notamment dans la vallée du Rhône. L’augmentation du volume de pluies intenses dans le sud-est de la France pourrait ainsi augmenter de plus de 20% d’ici à 2100, en raison d’une concentration en vapeur d’eau plus importante de l’atmosphère. En effet, plus il fait chaud, plus l’air peut contenir de la vapeur d’eau et par générer une importante quantité d’eau potentiellement précipitable. La température de l’eau de mer augmentera également, ce qui est un autre facteur aggravant pour les épisodes méditerranéens.
Les jours de précipitations devraient ainsi diminuer dans l’ensemble, avec de longues périodes sèches à prévoir, mais aussi des précipitations qui deviendront plus intenses lors d’épisodes méditerranéens.
Le rôle de l’urbanisation dans l’amplification des conséquences
Les conséquences des épisodes méditerranéens sont parfois dévastatrices et meurtrières comme nous l’ont montré celles du 3 octobre 2020 dans les vallées de la Vésubie, de la Tinée et de la Roya. La topographie et la géologie des lieux, mais aussi l’urbanisation et l’aménagement du territoire sont des éléments déterminants dans la prise en compte de l’échelle des risques d’inondations majeures. Les cours d’eau méditerranéens sont ainsi souvent situés dans des vallées encaissées, avec peu d’échappatoire pour l’eau. L’urbanisation à outrance et la forte densité humaine ont imperméabilisé les sols et rendu les populations de ces régions très vulnérables. Ainsi, un épisode majeur avec plus de 300 mm de pluie en 24h n’aurait pas eu les mêmes conséquences il y a 50 ans qu’aujourd’hui.
En région PACA, 10% de la superficie est située en zone inondable. À Nice par exemple, 54% des habitants sont situés en zone inondable soit plus de 200 000 personnes. La pression touristique est pour beaucoup responsable de cette urbanisation à outrance avec une bétonisation des littoraux qui empêche l’eau de s’infiltrer dans les sols lors d’épisodes pluvieux. On parle alors de ruissellement urbain. La situation est très préoccupante, car l’intensification et le rallongement des périodes de sécheresse favorisera l’imperméabilisation des sols à la fin de l’été et le début de l’automne.
En conclusion, on retiendra qu'il n'y a pas de signal fort concernant une évolution particulière du nombre et de l'intensité des épisodes méditerranéens en France, même si la tendance de fond semble indiquer une lente hausse. Le déclenchement de ceux-ci dépend des configurations météorologiques et de la variabilité annuelle du climat, certaines années étant plus actives que d'autres. Mais il est possible que, lorsque les conditions s'y prêtent, les abats pluviométriques soient rapidement et localement plus intenses désormais avec des cumuls horaires devenant plus violents, ce qui serait compatible avec le réchauffement global. En effet, un climat plus chaud peut contenir potentiellement plus de quantité d'eau précipitable. Reste ensuite à définir le rôle exact de l'aménagement du territoire et de l'imperméabilisation des sols, qui rendent l'espace et les populations plus vulnérables avec des conséquences potentiellement plus graves que par le passé.
Sources :
- Observed increase in extreme daily rainfall in the French Mediterranean (Aurélien Ribes et al., 2018)
- Météo France/CNRM