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La Méditerranée en surchauffe : quels risques météo pour cet automne ?

Par Alexis VANDEVOORDE,
mis à jour le

Après un été 2022 exceptionnellement chaud en Europe, une vague de chaleur océanique s’est mise en place en méditerranée et persiste encore au cours de ce mois de septembre. Les pluies parfois intenses, qui sont de coutume sur le pourtour de la grande bleue en automne lors des épisodes méditerranéens, pourraient être encore plus extrêmes sous l’effet de ce réservoir d’énergie.

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L’Europe a connu son été météorologique le plus chaud jamais mesuré (+1,3 °C au-dessus des moyennes) selon le service COPERNICUS. Trois canicules se sont succédé en France et de nombreux records ont été battus. En réponse à ces vagues de chaleur successives, et en l’absence de vent de nord rafraîchissant, la mer Méditerranée s’est réchauffée, avec des températures qui ont atteint 27 à 30 °C soit + 4 à +6 °C au-dessus des températures habituellement observées. Fin juillet, des records ont même pu être enregistrés avec une pointe à 30,7 °C relevée par une bouée au large d’Alistro en Corse, où la mer était plus chaude que celle des Caraïbes ou des Seychelles. Ce phénomène de surchauffe de la mer, encore observé au cours de ce mois de septembre, est appelé « vague de chaleur océanique ».

Anomalie de température de mer méditerranée © La Chaîne Météo

Ces canicules marines ont de fortes conséquences sur les écosystèmes. Une mortalité massive des coraux, éponges, bryozoaires et autres espèces s’observe d’ores et déjà. Comme les coraux abritent une partie de la biodiversité marine, les répercussions sont immédiates sur d’autres espèces telles que les poissons, ce qui impacte en retour l’économie maritime.

Mais les répercussions ne s’arrêtent pas là ! Les océans influent également sur l’atmosphère. Ces températures records exacerbent le potentiel de précipitations extrêmes sur les bords de la méditerranée. Explications.

Potentiel à fortes pluies en Méditerranée

Interaction atmosphère océan méditerranée © La Chaîne Météo

Le cycle de l’eau en Méditerranée est une question fondamentale depuis plusieurs décennies. En période estivale, le bassin méditerranéen connaît des sécheresses sévères et souffre du manque d’eau. De manière paradoxale, les populations font aussi face, essentiellement durant l’automne et l’hiver, à des pluies parfois extrêmes et à des inondations récurrentes : on parle d’épisodes méditerranéens.

Des études récentes1,2 ont mis en évidence le rôle des températures de la mer dans le développement et l’intensification des événements de pluies extrêmes. Cette année, les conditions anormalement chaudes sur le bassin entraînent une évaporation plus importante de l’eau de mer. L’évaporation excessive augmente d’une part la quantité d’eau disponible dans l’atmosphère et conduit d’autre part à accélérer les échanges de chaleur entre l’océan et l’atmosphère. Cette chaleur constitue une source d’énergie potentielle considérable pour les nuages, et contribue à déstabiliser davantage les basses couches de l’atmosphère, à l’interface avec l’océan. Plus d’humidité et davantage d’instabilité constituent une source d’énergie susceptible d’alimenter les systèmes orageux, en les rendant plus intenses. Précisons que nous parlons ici de « potentiel » et non de fréquence.

Selon ces mêmes études, une température de la mer anormalement élevée conduit à exacerber le potentiel de pluies extrêmes. Pour autant, il n’est pas prouvé de manière unanime que la fréquence de ces évènements augmente. Pour convertir ce potentiel, il est nécessaire d’avoir des forçages atmosphériques qui, comme leur nom l’indique, « forcent » le développement initial des systèmes orageux en méditerranée. Ces forçages se retrouvent dans la circulation atmosphérique de grande échelle (les anticyclones et les dépressions), moins influencée par la température de la mer.

En résumé, dès lors qu’une situation météorologique devient propice à des pluies méditerranéennes, indépendamment de la température de la mer, alors le caractère extrême de ces pluies est renforcé par les vagues de chaleur océanique. Les anomalies saisonnières de température de surface de la mer constituent donc un marqueur d’épisodes méditerranéens potentiellement intenses. Mais d’autres paramètres entrent en jeu et ils pourraient au contraire limiter les risques au cours des prochaines semaines.

Une tendance plutôt sèche cet automne, mais des épiphénomènes potentiellement violents

Des phénomènes particulièrement violents ont déjà pu être observés cette année. Sans pour autant pouvoir directement les relier à la vague de chaleur océanique en cours en méditerranée, il est possible qu’ils aient été renforcés par une telle anomalie. Le 18 août 2022, un système orageux engendrant des rafales destructrices a touché la Corse : 225 km/h à Marignana (2A), nouveau record absolu pour cette station. Plus récemment, les 6 et 7 septembre, des orages stationnaires ont engendré des cumuls de précipitations de 100 à 200 mm. Ces phénomènes sont restés localisés grâce à une situation météo plutôt anticyclonique sur le bassin méditerranéen.

Pour cet automne, notre prévision météo à quatre semaines, tout comme notre prévision saisonnière, n’envisagent pas de tendance dépressionnaire sur le bassin méditerranéen français. L’anticyclone, davantage présent sur le continent européen, pourrait diriger un flux de nord permettant le brassage des eaux et par effet d’upwelling (remontées des eaux froides en surface) le retour vers des conditions moins chaudes sur le bassin. Le « potentiel » de fortes pluies ne serait donc pas pleinement activé.

Pour autant, et comme au cours de cet été, des épiphénomènes violents restent possibles, et compte tenu du contexte imposé par cette vague de chaleur océanique, une surveillance accrue est de mise sur le bassin. Avec le réchauffement climatique en cours, il est fort probable que cette vigilance persiste, voire s’accroisse au cours des prochaines décennies.

Quelles évolutions à venir dans le cadre du réchauffement climatique ?

En méditerranée, le changement climatique s’observe plus qu’ailleurs sur la planète. Dans ce contexte, le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) a consacré dans son sixième et plus récent rapport un volet entier sur les conséquences du changement climatique en Méditerranée3.

Selon ce rapport, la surface de la mer méditerranée s’est réchauffée de +1,5 °C depuis le début de l’ère industrielle. Les sécheresses sont devenues plus fréquentes et intenses. Cette tendance, qui s’affirme de plus en plus, devrait persister d’ici les 100 prochaines années. Elle pourrait conduire à une réduction de 4 à 22 % des précipitations, tandis qu’il est « probable » que les évènements de pluies intenses augmentent notamment sur la partie Nord du bassin méditerranéen.

L’année 2022 nous offre donc un avant-goût de ce que le climat futur serait en méditerranée : un climat dans lequel les extrêmes s’accentueront encore davantage. En attendant, comprendre et surveiller ce climat est l’une des clés pour pouvoir s’y adapter. La méditerranée surchauffée est donc sous surveillance cet automne.

Pour plus d’informations :

1. Extreme precipitation events in the Mediterranean : spatiotemporal characteristics and connecion to large-scale atmospheric low patterns, Nikolaos Mastrantonas, 2020

2. Rising Mediterranean Sea Surface Temperatures Amplify Extreme Summer Precipitation in Central Europe, Claudia Volosciuk, 2016, Nature.

3. IPCC WGII Sixth Assessment Report – Rapport du GIEC volet Méditerranée

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