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Froid et neige en hiver : pourquoi nos repères ont-ils changé ?
Nos répères sur les saisons sont souvent faussés dans le monde réchauffé dans lequel nous vivons actuellement. C'est particulièrement le cas pour l'hiver. Qu'en est-il vraiment ? Voici quelques rappels et éléments pour y répondre.
Dans un contexte de réchauffement global, il n’est pas rare que le moindre épisode de froid soit désormais et à tort qualifié de « vague de froid », et qu’un épisode de neige en plaine entraîne des éditions spéciales sur les chaînes info. La mémoire que nous avons du climat paraît assez peu profonde, et nombre de personnes ont vite fait de prendre pour une saison froide exceptionnelle ce qui était avant la norme. Focus sur ce qu’étaient nos hivers avant, ce qu’ils sont devenus et ce qu’ils pourraient devenir avec le réchauffement climatique.
Des hivers de plus en plus doux dans un contexte de changement climatique
Notre pays est situé à l’interface de plusieurs influences : méditerranéenne, océanique, continentale et montagnarde. Le climat de la France est tempéré avec une variabilité interannuelle parfois marquée. La saison hivernale connaît la variabilité la plus marquée. Néanmoins, depuis la fin des années 90, l’hiver a tendance à être de plus en plus doux, et les vagues de froid nettement plus rares.
Afin de quantifier l’évolution du climat de nos hivers, on se base entre autres sur l’indicateur thermique de la saison complète qui s’étire du premier décembre à fin février. Cet indicateur, qui est de + 5,7°C, correspond à la moyenne des températures calculée sur 30 stations et pour la période de référence 1991-2020. Or, si l’on s’intéresse aux écarts à cette moyenne depuis 1945, on constate que les anomalies positives restaient rares au milieu du XXe siècle, alors qu’aujourd’hui, elles sont devenues quasiment systématiques.
Ainsi, le dernier hiver que nous avons connu avec une anomalie négative remonte à 2013, soit quasiment dix ans en arrière. A contrario, les deux hivers les plus doux jamais observés ont eu lieu très récemment, en 2015-2016 (+2,5°C) et en 2019-2020 (+2,8°C). On note clairement une raréfaction des vagues de froid, la dernière remontant à février 2012. En 2018, nous avions connu un épisode de froid en février où les températures avaient été nettement en dessous des normales durant trois jours.
Concernant le nombre de jours de gel, il a nettement diminué durant l’hiver, d’environ 2,5 jours par décennies sur la période 1961-2010. Pour des villes comme Troyes, Poitiers, Clermont-Ferrand, Nancy et Chambéry, la baisse est plus franche : huit jours de gel en moins entre 1981-2010 et 1991-2020. Cette baisse atteint même 10 jours à Lyon, qui ne compte plus que 42 jours de gel contre 52 jours auparavant.
Enfin, la neige fait également partie des marqueurs illustrant l’évolution de la physionomie de nos hivers en France. La nombre de jours avec neige et les quantités cumulées ont clairement baissé dans les différentes villes françaises. Par exemple, sur Lyon, il ne neige plus que 13 jours par an, alors qu’il y a 30 ans, ce nombre montait jusqu’à 20. Cette baisse est surtout marquée du nord-est au centre-est moins sur les zones littorales. Le souvenir des bonhommes de neige et des batailles de boules de neige dans les rues et dans les jardins est devenu bien lointain pour la majorité d’entre nous.
Nos hivers d’antan : des vagues de froid mémorables
L’idée que les hivers d’antan étaient plus froids se vérifie-t-elle vraiment ? Si l’on part du constat qu’aucun des hivers les plus froids n’a été observé au cours de ces 50 dernières années, la réponse est oui. Il faut en effet remonter à février du fameux hiver 1956 pour retrouver la plus grosse vague de froid que la France ait jamais connue depuis le début des relevés.
Cette vague de froid avait duré 3 semaines avec des chutes de neige exceptionnelles enregistrées à Saint-Tropez (70 cm), Saint-Raphaël (60 cm) et Bordeaux (80 cm), des valeurs qui nous paraissent aujourd’hui totalement anachroniques. Le mercure était descendu à -14,7°C à Paris, -14,8°C à Bordeaux, -16,8°C à Marignane et -22,2°C à Strasbourg. À titre de comparaison, les valeurs extrêmes observées lors de la vague de froid de 2012 ont atteint -8,5°C à Paris, -8,8°C à Bordeaux, -9,5°C à Marignane et -15°C à Strasbourg. L’hiver 1956 ne fut pas le seul à connaître une vague de froid exceptionnelle. Ce fut également le cas, mais dans une moindre mesure du 12 janvier au 6 février 1963 ou encore du 3 au 17 janvier 1985.
Depuis 1900, les hivers les plus froids ont été :
- 1962-1963 : - 5,1°C
- 1941-1942 : - 4,3°C
- 1928-1929 : - 3,7°C
- 1946-1947 : -3,5°C
- 1933-1934 : -3,2°C
On note que ces hivers sont tous antérieurs à 1963, et qu’aucun n’appartient, et de loin, au XXIe siècle.
Vers des hivers de plus en plus doux d'ici à la fin du siècle : quelles conséquences ?
Il n’est pas prévu que la tendance au réchauffement de nos hivers s’inverse dans les prochaines décennies, bien au contraire. Les différents scénarios du GIEC envisagent même une hausse de la température hivernale moyenne entre +1 et + 4,5°C d'ici à 2100.
C’est surtout après 2050 que les simulations prévoient un emballement du mercure à la hausse, avec des anomalies thermiques jusque-là jamais observées en hiver. Les conséquences seront nombreuses, notamment sur la faune et la flore, mais pas seulement. De nombreux secteurs, comme le tourisme par exemple, vont voir leur modèle bouleversé, avec des effets qui s’observent déjà, notamment en montagne.
Le gel, dont le nombre de jours pourrait être divisé par trois entre le début et la fin du XXIe siècle, pourrait devenir un phénomène rare sur les régions côtières de la Manche et de l’Atlantique, et exceptionnel en Méditerranée, ce qui pourrait compliquer l’entrée en dormance de certaines plantes. Les risques liés aux gelées tardives au printemps seront alors décuplés avec une végétation qui aura tendance à démarrer plus tôt, parfois avant la fin de l’hiver météorologique. Et il ne s’agit là que de quelques exemples de ce que cette évolution du climat réserve. L’enneigement qui est déjà un sujet préoccupant pour de nombreuses stations de montagne, devrait devenir de plus en plus rare en moyenne montagne, fragilisant tout un écosystème économique.
Les conséquences du réchauffement de nos hivers seront donc de plus en plus visibles dans les prochaines années et décennies, si nous ne changeons pas notre mode de vie. Cependant, des hivers plus doux amèneront également à une consommation d’énergie moindre. Dans un contexte de forte tension énergétique, cet aspect ne sera pas négligeable. En effet, cette tension est notamment due au contexte géopolitique actuel et à l'épuisement progressif de nos ressources fossiles.