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Qu'est-ce que le vortex polaire ?
Le terme vortex polaire revient à chaque vague de froid extrême que l’on peut observer aux États-Unis, en Russie et en Europe. À quoi correspond-il et quel est son fonctionnement ?
Le terme de vortex polaire est utilisé pour décrire une dépression qui se forme chaque hiver au-dessus des pôles nord et sud à environ 30 km d’altitude. Cette poche froide s’installe de la moyenne troposphère (8 à 12 km d’altitude) jusqu’à la stratosphère (10 à 50 km d’altitude). Elle faiblit en été, mais s'intensifie en hiver, car la lumière du soleil n’atteint plus les hautes latitudes pendant la nuit polaire. Dans ce contexte, la circulation des vents forts et tourbillonnants d’ouest en est, qui caractérise le vortex au-dessus de l’Arctique dans l’hémisphère Nord, devient alors très rapide. Se forme alors ce que l’on appelle le Jet Stratosphérique de la nuit polaire, l’équivalent du Jet Stream situé beaucoup plus bas, à environ 10-12 km d’altitude.
Le vortex n’est cependant pas stable et peut présenter d’importantes déformations liées à de fortes et soudaines modifications de sa température, provoquant de rapides descentes d’air froid vers les latitudes tempérées en Amérique du Nord ou en Europe. On peut donc parler de deux vortex polaires : le plus courant, le vortex polaire stratosphérique, et le vortex polaire troposphérique, qui est celui qui nous intéresse le plus, car il est synonyme de risque d’invasion d’air froid.
Deux vortex aux conséquences bien différentes
Rappelons qu'il se forme à la surface de la Terre, entre l’air froid près des pôles, et l’air plus chaud au niveau des tropiques, une zone de conflit d’où naissent les dépressions, et où circulent des vents forts caractérisant le courant-jet. Ce dernier prend parfois des formes très sinueuses liées, au cours de l’hiver dans l’hémisphère nord, à la dilatation du vortex troposphérique qui fait descendre le courant jet vers le sud et avec lui une masse d’air glaciale.
Dans le cas du vortex stratosphérique, plus haut en altitude que le vortex troposphérique, le courant-jet est plus fort et prend une forme de rond ou d’ovale. Cette configuration empêche la confrontation des masses d’air et agit comme un bouclier. L’air le plus froid reste ainsi confiné dans les régions arctiques, et est donc moins susceptible de plonger profondément en Amérique du Nord, ou encore en Eurasie. Des décrochements modérés peuvent toutefois s’opérer et provoquer des descentes d’air polaires vers le sud, mais elles restent de courte durée.
À l’opposé, il arrive que le vortex polaire s’affaiblisse, c’est-à-dire que la vitesse de circulation des vents d’altitude ralentisse, entraînant un phénomène ondulatoire, telle une rivière qui manque de débit. Ce phénomène est lié le plus souvent au développement soudain d’un réchauffement stratosphérique en plein cœur de l’hiver. Le vortex polaire se réchauffe ainsi subitement, avec parfois des températures en hausse jusqu’à 60 °C en seulement quelques jours, passant de -70 °C à -10 °C. Il se produit lorsque le jet stratosphérique se met à souffler dans la direction opposée au Jet Stream, situé en contrebas dans l’atmosphère. Ceci a pour conséquence de l’affaiblir et de ralentir les vents en altitude. Il se met alors à osciller jusqu’à descendre vers les latitudes moyennes. C’est ainsi que de l’air très froid se retrouve piégé dans la troposphère, cette couche de l’atmosphère dans laquelle nous vivons, et peut ainsi envahir des régions habituellement peu concernées par ces températures extrêmes.
Des épisodes associés au vortex polaire récents
2022 ended with a shiver, but the start of 2023 broke a sweat. 🥶🥵 This weather whiplash may have been caused by changes in the polar vortex, the band of strong westerly winds over the Arctic. Details: https://t.co/gnOAqDOncS pic.twitter.com/4QDmgsNsE5
— NASA Earth (@NASAEarth) January 5, 2023
Les zones du globe pouvant être concernées sont diverses. L’Amérique du Nord est ainsi fréquemment sujette à ces grandes vagues de froid.
Le dernier décrochage polaire en date pour l’Amérique du Nord est très récent. Il date de fin décembre 2022. C’est autour de Noël que des millions d’Américains ont subi les assauts d’une masse d’air polaire (-30°C à 1500 m d’altitude) qui a provoqué une chute vertigineuse des températures, atteignant jusqu’à -31,1°C à Denver (Colorado) ou encore de façon plus surprenante -9,4°C à Houston (Texas), pourtant situé sur les rivages du Golfe du Mexique. Dans le même temps, l’Europe de l’Ouest était baignée par une grande douceur, que nous avons connue en France entre Noël et le jour de l’an avec des records. Ces deux excès de températures simultanés de part et d’autre de l’océan Atlantique étaient d’ailleurs liés, en raison du mouvement ondulatoire du jet stream, l’air glacial descendant en Amérique du Nord, et l’air doux remontant vers l’Europe de l’ouest.
L’Europe est aussi parfois concernée, comme l’Asie, par ces décrochages polaires. En Europe de l’Ouest, le dernier remonte à mars 2018. La température avait alors chuté jusqu’à -42°C le 28 février à Folldal-Fredheim en Norvège. De nombreux records de froid étaient tombés un peu partout en Europe, avec jusqu’à -10,2°C à Frosinone en Italie. En France, la journée la plus froide de cette vague de froid fut le 27 février avec un écart à la normale de -3,2°C. Au matin du 28 février, de fortes gelées (<-5°C) furent observées sur 80 % du territoire français, y compris sur certaines zones littorales.
La dernière vague de froid majeure liée à un décrochage polaire en France date cependant de février 2012. Un puissant anticyclone s’était positionné entre la Scandinavie et la Russie avant de s’étendre vers l’Europe occidentale. Cette vague de froid, entre le 4 et le 12 février, avait fait plonger les températures entre -10 et -14°C quotidiennement, et localement jusqu’à -16 à -18°C dans certaines plaines. Elle reste la 5ème vague de froid la plus sévère observée depuis 1947.
Quel est l'impact du réchauffement climatique dans l’évolution du vortex polaire ?
L’impact du réchauffement climatique n’est pas encore bien défini. Si la zone arctique s’est réchauffée deux fois plus vite que le reste de la planète au cours de ces trente dernières années, avec pour conséquence, une fonte estivale des glaces plus marquée et un vortex polaire stratosphérique instable favorisant des descentes de masse polaire en hiver sous nos latitudes, les experts ne sont pas unanimes sur les liens de cause à effet. D’autres recherches seront donc nécessaires pour mieux comprendre les conséquences futures du changement climatique sur le comportement du vortex polaire.
Les oscillations du vortex polaire sont donc souvent responsables des vagues de froid aux latitudes moyennes, mais pas toujours. Certaines vagues de froid interviennent ainsi sans réchauffement stratosphérique. Quant au réchauffement climatique, ses effets les plus marquants sont des hivers progressivement moins froids, même si certaines études alertent sur une recrudescence possible des vagues de froid en raison de l’affaiblissement du vortex, entrainant alors de très grandes variations de températures entre les coups de froid et les importants redoux.