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Qu'est-ce que les retours d'est ?
Ce terme météorologique désigne le retour par l’est de la France d’une perturbation pilotée par une dépression située généralement vers la Méditerranée, et qui peut provoquer d’abondantes chutes de neige lorsque cela survient en hiver.
Le climat tempéré de la France et de l’Europe de l’ouest est régi par les vents dominants venant de l’Atlantique. Les flux d’ouest à sud-ouest sont majoritaires dans notre hémisphère, en raison notamment de la force de Coriolis. Mais en fonction du positionnement des centres d’action, ce flux peut s’inverser et tourner à l’est et rabattre une perturbation qui provient d’Europe centrale : on parle alors de « retour d’est ». Cette configuration se retrouve plutôt en hiver mais elle peut également survenir au printemps et au début de l’été.
Un mécanisme lié à la position des centres d’action
En météorologie, les centres d’action désignent les anticyclones et les dépressions qui pilotent le sens des vents : autour de l’anticyclone, le vent tourne dans le sens des aiguilles d’une montre, et dans le sens inverse autour des dépressions. Dans une configuration météorologique classique, où les dépressions circulent sur les iles britanniques et qu’un anticyclone est positionné sur les Açores, il est ainsi facile de tracer le sens des vents : ils sont orientés au secteur ouest à sud-ouest.
Mais ces centres d’action sont mobiles et il arrive que les dépressions circulent plus au sud, et que les anticyclones migrent vers le nord. Ce type de configuration modifie alors l’orientation de ces vents. Cette inversion est particulièrement notable lorsqu’une dépression circule en Méditerranée, entre la Corse et le nord de l’Italie, et qu’un anticyclone est situé sur les îles britanniques ou la mer du Nord. Ce contexte entraîne l’orientation des vents au secteur Est sur le pays. Les perturbations issues de ces dépressions reviennent ainsi vers la France par l’est, d’où l’appellation « retour d’est ».
Si la conséquence directe de ce type de configuration est l’orientation du flux à l’est, l’appellation « retour d’est » indique également la présence d’une perturbation et donc de mauvais temps. Ce type de temps se produit essentiellement en hiver, et parfois au printemps : de l’air froid arrive de l’est accompagné des précipitations, ce qui explique la caractéristique principale de ce type de situation qui est l’arrivée de la neige jusqu’en plaine. Une autre des conséquences de ces retours d’est est le blocage de ces perturbations sur la chaine alpine en versant italien, qui constitue la configuration typique des abondantes chutes de neige sur nos massifs qui longent la frontière, du Mercantour au Queyras. Le retour d’est concerne aussi la façade orientale des Pyrénées qui fait face à la Méditerranée.
La neige en plaine
Lorsqu’une dépression se situe entre le nord de l’Italie et l’Allemagne, les perturbations reviennent vers la France dans un flux d’est à nord-est. L’air, issu du continent, est froid, et des chutes de neige peuvent se produire en plaine sur la moitié nord-est du pays, jusqu’au centre-est. Sous un ciel bas et gris, les chutes de neige restent cependant faibles à modérées, mais tiennent au sol car les températures restent proches de 0°C en journée.
En revanche, en raison du ciel couvert, le froid reste modéré la nuit et le gel est faible. En novembre 2019, une telle configuration avait provoqué de fortes chutes de neige précoces dans la vallée du Rhône, particulièrement à Valence (Drôme) où le poids de la neige avait brisé les lignes électriques, privant durablement des milliers d’habitants de courant. De même, un épisode majeur de neige en plaine par retour d’est s’était produit entre le 8 et le 11 décembre 1990, avec 69 cm à Ambérieu (Ain) et 50 cm à Lyon. Le 8 mars 2010, un retour d’est méditerranéen avait entrainé des chutes de neige très abondantes sur les Pyrénées-Orientales avec 40 cm à Perpignan.
Dans les régions de plaine du nord-est, les épisodes neigeux liés aux retours d’est sont plus faibles et s’estompent en direction de l’ouest de la France, mais il peut neiger sur l’Alsace et la Lorraine.
La neige en montagne : des épaisseurs impressionnantes sur les Alpes frontalières
C’est sur la chaine des Alpes faisant face à l’est que les « retours d’est » sont particulièrement abondants. Les masses d’air froides et humides remontent la plaine du Pô et viennent buter sur les versants abrupts du piémont italien, y déversant d’intenses chutes de neige. À ces occasions, les massifs du Queyras, du Mercantour, de l’Ubaye et même l’est de la Vanoise (Haute Maurienne) peuvent connaître des épaisseurs impressionnantes, de 70 cm à 2 m de neige, y compris à moyenne altitude comme à Abriès (1500 m).
Le "retour d'est" se met en place 🌀Ce phénomène désigne une perturbation pilotée par la dépression située sur le nord de l'Italie, et qui revient par l'est. Cette perturbation donnera beaucoup de #neige sur les #Alpes frontalières, car les reliefs bloquent sa progression. pic.twitter.com/WvCd5CHAMI
— La Chaîne Météo (@lachainemeteo) January 23, 2023
Les secteurs exposés sont ceux qui font face à l’Italie, d’où provient la perturbation, mais les chutes de neige peuvent pénétrer un peu plus loin vers l’ouest, et atteindre le briançonnais et le versant Est du col du Lautaret (Est des Écrins). Cette situation ne se produisant que deux à trois fois par hiver, ils sont attendus avec impatience par les stations de sports d’hiver concernées. Quand cela survient, le « plein de neige » est tel qu’il permet souvent de passer la saison en toute sérénité. Les secteurs les plus touchés sont, dans les Hautes-Alpes, Abriès, Saint-Véran et parfois Montgenèvre ; dans les Alpes-Maritimes, Isola 2000 et parfois jusqu’à Auron. En Savoie, certaines stations de Haute-Maurienne comme Valfréjus, Val Cenis, Bonneval-sur-Arc et Val d’Isère sont concernées.
Les plus gros retours d’est se sont produits en janvier 1978 (plus de 3 m de neige en 3 jours dans le Queyras à Ristolas). En janvier 1986, il est tombé 1,60 m en 24 heures à Abriès. En décembre 2008, on a relevé 2 m de neige à Saint Véran, et en janvier 2018, il était tombé 2 m de neige fraîche à Bonneval-sur-Arc.
Dans les Pyrénées-Orientales, les retours d’est apportent l’humidité de la Méditerranée, et, conjugués au froid, permettent des chutes de neige abondantes, parfois jusqu’en plaine, surtout sur les stations telles que les Angles, Formiguères ou encore Font-Romeu, avec des épaisseurs qui, à l’instar des Alpes, peuvent atteindre 1 à 2 mètres en quelques jours dans ces secteurs. Ces chutes de neige bloquent la région du Capcir et les accès à l’Andorre. L’un des épisodes les plus exceptionnels remonte au 8 mars 2010.
Les retours d’est sont donc l’occasion pour certains massifs exposés de faire le plein de neige en quelques jours. Si un épisode se produit en début de saison, ce qui est possible dès novembre, les stations concernées sont plus assurées de réaliser une bonne saison hivernale. Pour la plaine, hormis le centre-est et le couloir rhodanien, les retours d’est ne génèrent pas d’épisodes neigeux remarquables, le plus gros restant généralement situé en Italie du Nord, en Suisse et en Allemagne.
Retours d’est en été : des pluies torrentielles
Si les retours d’est sont majoritairement des phénomènes qui se produisent en saison froide, certains se produisent au printemps, et, très rarement, au début de l’été : des pluies orageuses torrentielles se produisent alors. Ces pluies restent bloquées sur l’arc alpin, occasionnant des coulées de boue et des inondations dévastatrices. Les quantités de précipitations sont telles qu’elles peuvent entrainer des crues des fleuves descendant de l’arc alpin : le Rhin d’un coté et le Danube de l’autre.
Les plus fortes crues de ces fleuves se sont d’ailleurs produites à ces occasions : crues du Rhin en mai 1999 et début juin 2013, crue du Danube en juin 2013. Lorsqu’une dépression est directement présente sur l’Allemagne et le Benelux, les pluies et orages peuvent provoquer des crues exceptionnelles et dramatiques, comme à la mi-juillet 2021, où on avait dénombré plus de 150 victimes.