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Sécheresse exceptionnelle : pourquoi le sud-est reste à l'écart des perturbations ?
Alors que les précipitations sont revenues sur les trois quarts du territoire depuis le mois de mars, effaçant la sécheresse de surface et améliorant très lentement le niveau des nappes phréatiques, le pourtour de la Méditerranée reste à l’écart des pluies avec une situation toujours préoccupante. Comment expliquer cette évolution, et peut-on encore espérer l’arrivée de pluies salvatrices avant la saison chaude ?
La France a connu l’hiver le plus sec depuis 2017, avec un déficit pluviométrique national de 28%, atteignant 80% au sud-est, de décembre à février. Puis, les perturbations ont fait leur grand retour sur l’hexagone en mars avec un excédent global de +35%, se poursuivant en ce mois d’avril avec des cumuls proches des normales. Malgré cela, 75% des nappes phréatiques restent encore déficitaires pour cette époque de l’année. Mais ces pluies bénéfiques ont épargné un petit quart sud-est, en particulier le pourtour méditerranéen. Cette situation est liée à la position des centres d’action qui ont favorisé le mistral et la tramontane, disloquant alors les perturbations en approche sur ces régions.
Un climat très sec en été, mais humide en hiver
Le climat du sud-est de la France est de type « tempéré méditerranéen », caractérisé par des étés secs et chauds, des hivers doux, mais assez marqués, des printemps et des automnes humides. Les précipitations sont souvent brutales et intenses, avec des conséquences parfois spectaculaires, voire catastrophiques. Les précipitations les plus abondantes se produisent en automne, puis au printemps. Conjuguées à la fonte des neiges des montagnes environnantes, ces pluies hivernales permettent de soutenir l’étiage estival, notamment grâce à l’action des barrages. Les reliefs situés tout autour du bassin méditerranéen bloquent les perturbations venant de l’ouest, et seules celles remontant du sud peuvent arroser de façon abondante le sud-est de la France. Mais cette statistique est régulièrement rompue par la variabilité climatique interannuelle, avec des séquences sèches pouvant durer plusieurs années de suite. C’est ce qui se produit actuellement depuis un an et demi.
Une sécheresse hivernale aux lourdes conséquences
Les pluies, qui sont revenues depuis le mois de mars sur les trois quarts de notre pays, améliorent la situation de surface, mais ne permettent pas de remplir correctement les nappes phréatiques, qui restent déficitaires à quelques semaines de la saison chaude. Mais cette évolution a évité que ne se prolonge la sécheresse hivernale. En revanche, un petit quart sud-est, du Roussillon à la région PACA et, dans une moindre mesure, la Corse, n’a pas bénéficié de ces pluies providentielles. Ainsi, la sécheresse qui avait débuté au printemps de l’année dernière, s’est poursuivie pendant l’hiver et se maintient actuellement. Le déficit pluviométrique se creuse mois après mois, avec les conséquences que l’on sait : premiers incendies de forêt, communes privées d’eau potable et mesures de restriction de l’usage de l’eau par exemple. À ce jour, on peut d’ores-et-déjà considérer que la situation ne s’améliorera plus en profondeur avant l’été, lequel risque d’être à haut risque après celui de 2022.
Le vent, principal facteur de la sécheresse
La sécheresse actuelle est la résultante de tous les paramètres que l’on vient d’évoquer : un climat sec par définition, des reliefs qui bloquent les perturbations, et un déficit pluviométrique chronique depuis un an et demi, sans recharge hivernale. Dans ce contexte défavorable, la persistance du mistral et de la tramontane a accentué le phénomène. Depuis le 1er janvier, les périodes où soufflent ces vents secs se sont succédées sur de longues durées, et parfois de façon violente, avec plusieurs tempêtes sur la Côte d’Azur et la Corse. Ces vents, soufflant du nord-ouest, ont eu pour effet de chasser les perturbations, lesquelles n’ont pas arrosé le sud-est, exception faite de la Corse qui avait retrouvé des cumuls de pluie et de neige abondants en janvier. Mais le Languedoc-Roussillon, la basse vallée du Rhône et la Riviera niçoise sont passés à travers les gouttes.
À Marseille, le mistral a soufflé 37 jours à plus de 58 km/h (seuil de vent fort) du 1er janvier au 19 avril, pour une moyenne annuelle de 80 jours. À Perpignan, la tramontane a soufflé 56 jours, soit déjà plus de la moitié du total de l’année dernière. Cette fréquence des vents forts cette année fait d’ailleurs suite à une année 2022 remarquablement peu ventée. À Perpignan, la tramontane avait soufflé 112 jours l’année dernière, soit la plus faible valeur depuis 1981. Mais depuis le début de l’année, la fréquence de ces vents s’est accélérée, accentuant l’assèchement des sols et favorisant les départs de feux.
Ces vents forts et fréquents, qui soufflent depuis le début janvier, sont liés à la position des centres d’action, que l’on identifie bien sûr nos cartes. Les hautes pressions ont été récurrentes en janvier et février, responsables d’une sécheresse hivernale généralisée. Puis, en mars et en avril, le flux océanique est revenu sur notre pays avec le défilé des perturbations. Mais ce flux d’ouest humide s’assèche en franchissant les reliefs du sud, avec la persistance d’un temps venté. Ainsi, entre le mistral et le vent d’ouest, le pourtour méditerranéen n’a pas pu bénéficier de passages pluvieux durables.
Dans le contexte du réchauffement climatique, les épisodes de vent fort ne devraient pas s’accentuer en Méditerranée. À l’image de ce qui s’était passé l’année dernière, ils devraient au contraire s’affaiblir si l'on en croit cette étude de 2017 (en anglais).
Peut-on espérer des pluies ces prochaines semaines ?
La saison printanière est propice aux pluies orageuses sur le bassin méditerranéen. Statistiquement, il y a donc encore bon espoir d’avoir de la pluie jusqu’en mai. D’ailleurs, ces derniers jours ont été marqués par des orages en région PACA, plutôt dans l’arrière-pays. Certes, les averses orageuses restent trop hétérogènes pour produire un arrosage efficace, mais peuvent profiter à certaines communes. En montagne, le manteau neigeux reste conséquent sur les Alpes du Sud et en Corse au-dessus de 2500 m, ce qui constitue une réserve en eau qui sera appréciable au moment de la fonte pour remplir les lacs réservoirs et alimenter les cours d’eau. En revanche, le manteau neigeux est déficitaire sur les Pyrénées, ce qui ne profitera pas au Roussillon. Enfin, les prévisions à long terme envisagent des précipitations proches des normales, voire excédentaires sur le pourtour méditerranéen ces prochains mois, y compris cet été, ce qui aurait pour effet d’atténuer quelque peu les effets de la sécheresse de ces derniers mois. Mais les pluies estivales, souvent orageuses, ne s’infiltrent pas dans le sol, ruissellent et s’évaporent : l’effet est donc très limité.
La configuration actuelle reste donc préoccupante et lourde de conséquence au sud-est. Les espoirs reposent sur la présence de neige sur les Alpes du sud et le démarrage de la saison orageuse pour éviter que les choses n'empirent ces prochains mois. Une chose est sûre : les précipitations estivales n'étant pas capables de s’infiltrer dans le sous-sol, la sécheresse risque de continuer à s’aggraver inévitablement dans de nombreux secteurs du sud-est.