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90s pour le changement climatique : pourquoi les risques liés au gel de printemps augmentent dans un climat qui se réchauffe ?

Par Cyril BONNEFOY, météorologue
mis à jour le

Ce constat peut paraître paradoxal mais les risques liés au gel tardif ont tendance à augmenter malgré le fait que le climat global se réchauffe. En effet, les hivers de plus en plus doux provoquent une précocité du démarrage de la végétation, ce qui l’expose d’autant plus au risque du gel printanier.

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Ces dernières années, les dégâts et pertes sur les cultures, liés au gel tardif, ont tendance à s'accroître en France. On se souvient notamment des épisodes gélifs dévastateurs de 2017, 2019, 2020 et 2021. Rien que sur l’année 2021, les pertes ont été estimées à 4 milliards d’euros en viticulture et arboriculture, associées principalement aux chutes de rendement et à la baisse de qualité. Alors que le climat se réchauffe, comment peut-on expliquer ces pertes agricoles à répétition liées au gel de printemps ?

Des hivers de plus en plus doux

Le réchauffement climatique contemporain affecte l’ensemble des saisons dont la saison hivernale. La température moyenne hivernale a ainsi augmenté de +0,42°C en 10 ans. Les hivers les plus doux jamais observés en France depuis le début des relevés (fin du XIX? siècle) se sont tous produits dans les 15 dernières années. Depuis 2017, tous les hivers ont enregistré des températures moyennes supérieures à la normale 1991-2020. On observe ainsi une accentuation et accélération du réchauffement de nos hivers. Selon le scénario médian SSP2 du GIEC (Groupe Intergouvernemental d’Experts sur le Climat), l’hiver pourrait se réchauffer d’encore +1,4°C d’ici 2050.

Une avancée des stades phénologiques

La saison hivernale est une saison de repos pour les végétaux qui entrent en dormance. Cette entrée en dormance de la végétation n’est possible que si un certain besoin en froid est atteint. Dans le contexte du réchauffement climatique, cette entrée en dormance est de plus en plus tardive.

Les hivers étant de plus en plus doux et le début du printemps de plus en plus précoce, la végétation démarre désormais de plus en plus tôt dans la saison, ce qui a pour conséquence de raccourcir la phase de dormance de la plante.

Les dates de démarrage de la végétation ont ainsi avancé de plusieurs semaines selon les espèces. Traditionnellement, la floraison des arbres fruitiers se situait généralement entre mars et avril, mais ces dernières années, elle se produit de plus en plus tôt, parfois dès le mois de février.

Concernant la vigne, les dates moyennes de débourrement (sorti du bourgeon) se situaient traditionnellement entre fin mars et début mai selon les régions, à la fin des années 70. Aujourd’hui, les dates de débourrement tombent plutôt entre mi-mars et mi-avril, soit un décalage d’environ deux semaines en moyenne du début de la saison végétative.

Des cultures plus vulnérables

L’avancée précoce de la floraison peut entraîner une vulnérabilité accrue aux gelées printanières. En effet, les bourgeons et les fleurs des arbres fruitiers peuvent être exposés à des températures froides pendant une période plus longue.

Statistiquement, il est plus probable d’observer du gel au mois de février ou mars qu’au mois d’avril. À Beaune (Côte-d'Or), dans les années 70, le cépage Chardonnay démarrait sa saison végétative entre fin avril et début mai. En cette période, le nombre de jours de gel moyen était de 1,3 (normale 1961-1990). Aujourd’hui, la date de départ de la végétation pour ce cépage intervient plutôt entre début avril et mi-avril. À cette période de l’année, le nombre de jours de gel moyen à Beaune est de 2,1 (normale 1991-2020). En suivant les projections des scénarios du GIEC, le démarrage de la saison végétative du Chardonnay pourrait se produire mi-mars en 2100. À cette période de l’année, même sous un climat réchauffé, le risque de gel à cette période de l’année sera toujours plus important.

L’agriculture est ainsi de plus en plus exposée à des pertes agricoles liées au gel de printemps. Des mesures d’adaptation devront être prises par la profession dans les prochaines décennies, notamment l’adaptation des variétés et des cépages ou les dates de taille pour éviter un débourrement trop précoce. D’autres méthodes de lutte contre le gel devront être déployées très certainement à plus grande échelle, telle l’aspersion, les tours à vent, ou bien encore les chaufferettes.

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